Colloque de l’ANDEP

17ème JOURNEES D’ETUDES de l’ANDEP 

‘De la collaboration à la construction d’une compétence collective : le directeur en école paramédicale aujourd’hui.’

Mercredi 19 et jeudi 20 NOVEMBRE 2014

Quelques extraits de ma conférence : Le directeur face à lui-même.

Conférence en partie inspirée par les interventions du Dr J. -D. NASIO lors des matinées annuelles sur la fonction de direction, organisées au mois de juin de chaque année par les Séminaires Psychanalytiques de Paris.

Ouverture 
 
Il est fondamental que « l’humain » soit au centre de nos préoccupations. Le collectif réunit des êtres « UN » …
 …
Pourquoi travaillons-nous ?
 
S’il est librement choisi, tout métier devient source de joies particulières, en tant qu’il permet de tirer profit, sous leurs formes sublimées, de penchants affectifs et d’énergies instinctives évoluées ou renforcées déjà par leur facteur constitutionnel. Et malgré tout cela, le travail ne jouit que d’une faible considération dès qu’il s’offre comme moyen de parvenir au bonheur »[2].
… 
Nous n’exerçons pas la fonction de direction par hasard
 
FREUD à son disciple Théodore REIK : « Pour prendre une décision d’une importance secondaire, il m’a toujours semblé préférable de peser le pour et le contre. Pour des sujets d’une importance capitale, par contre, tels que le choix d’une compagne ou d’une profession, la décision devrait venir de l’inconscient, du fond de nous-mêmes. Pour les décisions importantes de la vie privée, à mon avis, nous devrions nous laisser gouverner par les besoins les plus profonds de notre nature »[3].
Selon J. -D. NASIO : « L’inconscient est […] la force souveraine qui nous pousse à choisir la femme ou l’homme avec lequel nous partageons notre vie, à choisir la profession que nous exerçons et qui nous confère une identité sociale, ou même à choisir la ville ou la maison dans laquelle nous habitons ; tous des choix que nous croyons délibérés ou fortuits alors qu’en vérité ils nous ont été dictés subtilement par notre inconscient »[4].

L’histoire personnelle et l’histoire de l’institution entrent en résonnance subtile, au diapason de l’inconscient.
 
Il est impossible de diriger
 
FREUD, inspiré par KANT, a épinglé trois professions comme « impossibles » : gouverner, éduquer, psychanalyser. Le directeur et le Cadre supérieur d’établissement de l’enseignement paramédical cumule deux des trois « impossibles freudiens » : gouverner (diriger) et éduquer enseigner).
Impossible de diriger signifie que la mission est, par essence, toujours imparfaite.
 
La solitude
 
FREUD pensait qu’un groupe humain est capable de produire d’importantes réalisations, au service de la société (qu’il nommait “Civilisation” ou “Culture”). Il considérait toutefois que les plus grandes décisions émanent de l’individu isolé qui travaille dans la solitude[5].

La solitude du directeur est une solitude singulière. Soi-même avec une autre partie de soi-même, soi-même avec le surmoi.
La solitude du directeur est l’état préalable à l’exercice de son art. J’appelle cet état « la solitude peuplée du directeur ». Le dialogue du directeur avec son surmoi (partie de soi-même qui juge, conscience morale).
La solitude ouvre à la méditation, qui à son tour favorise l’attente ; attente, qui, comme le souligne le Dr NASIO, est une façon d’ « aimer le devenir ».
La parole, l’acte, le silence, naissent dans le creuset de cette attente.
 …
La dépendance
 
La notion de liberté. Quelle que soit la fonction exercée, se trouve au-dessus de nous, une personne, une instance, une entité etc. Nous sommes foncièrement dépendants de quelque chose ou de quelqu’un.
La notion de dépendance saine des personnes placées sous l’autorité du directeur. De cette dépendance saine dépend la transmission, dont le directeur est garant.


L’être du directeur
 
« Il est conforme à notre évolution que la contrainte externe soit peu à peu intériorisée, par ceci qu’une instance psychique particulière, le surmoi de l’homme, la prend à sa charge. Chacun de nos enfants est à son tour le théâtre de cette transformation ; ce n’est que grâce à elle qu’il devient un être moral et social. Ce renforcement du surmoi est un patrimoine psychologique de haute valeur pour la culture [société][6] ».
Le surmoi est le « directeur  du directeur », « le directeur invisible » du moi[7]. Notre surmoi peut aussi nous sourire, nous consoler et parfois nous dire « Doucement ! Ça ne va pas aussi mal que tu le penses »[8]. Théodore REIK appelle cela l’humour.
Le surmoi incarne l’autorité intérieure, c’est une auto observation, une conscience morale, l’idéal.

 
L’exercice d’un art
 
J.-D. NASIO : un directeur est confronté à quatre pôles principaux :
·        l’administration
·        l’équipe (les collègues …)
·        les usagers (les étudiants …)
·        soi-même (la loi symbolique)
Le directeur passe son temps à jongler avec ces quatre éléments. Il se trouve dans cette tension pour remplir sa mission.


La confusion des rôles
 
La fonction n’est pas la personne …
 
Le maniement du transfert de travail
 
Il convient que le directeur prenne en compte le maniement « du transfert de travail » avec ses collègues, les personnes de son équipe, les étudiants etc.
Le maniement du transfert de travail permet au directeur de repérer les affects dont il est le support, c’est à dire la place qu’il occupe dans le psychisme de ses subordonnés.
Le transfert de travail permet la transmission des idéaux. La dimension de la transmission est essentielle à préserver pour les générations futures de cliniciens.

La transmission d’un savoir-être et d’un savoir-faire.
 
Conclusion
 
Le directeur fait circuler la pulsion de vie dans l’institution…


 
 
 [1]Transcriptions - inédites - établies par madame le Dr Martine CARPENTIER. 
   
 [2] FREUD, Sigmund, Malaise dans la civilisation, 1929, Presses Universitaires de France.
   
 [3] REIK, Théodore, Ecouter avec la troisième oreille, EPI, 1976.
   
 [4] NASIO, J.-D., L’inconscient, c’est la répétition, DESIR PAYOT, 2012.  
   
 [5] FREUD, Sigmund, Psychologie des foules et analyse du moi, 1921, in : Essais de psychanalyse, Petite bibliothèque PAYOT, nouvelle traduction, 1981 : « En matière de réalisation intellectuelle, il n’en demeure pas moins que les grandes décisions de la pensée au travail, les découvertes et solutions de problèmes, lourdes de conséquences, ne sont possibles qu’à l’individu isolé qui travaille dans la solitude ».
   
 [6] FREUD : L’avenir d’une illusion, 1927, Presse Universitaires de France, 1980.
   
 [7]  REIK Théodore, Ecouter avec la troisième oreille, EPI, 1976.
   
 [8] FREUD, Sigmund, Les relations de dépendance du moi, in : Essais de psychanalyse, 1921, Petite bibliothèque PAYOT, nouvelle traduction, 1981 : « Vivre est donc, pour le moi, synonyme d’être aimé, aimé par le surmoi qui, ici encore, entre en scène comme représentant du ça. Le surmoi représente la même fonction de protection et de salut que, jadis, le père, et, plus tard, la providence ou le destin ».